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Le train-train au quotidien

Démarré par Aviseur, 18 Janvier 2007, 16:15:45 PM

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Aviseur

Bonjour à tous,

Je suis à Kayse, et dans quelques heures, une pirogue m'emportera délicatement vers la Mauritanie, où l'on verra bien ce qui se passera. Je ne comptais pas vous écrire d'ici, mais étant donné que j'ai le temps, et aussi une petite histoire à narrer, je me suis dit: "pourquoi pas?".

Pour quitter Bamaklo, j'ai pris le train - l'express -.  Je devais descendre à Oualia et faire les 15 derniers kilomètres à pied pour rejoindre Dioubéba, où j'étais déjà passé il y a un mois. J'y avais laissé des livres au Marabout Cissoko, et j'avais promis à Zangué de lui ramener du blé pour qu'il puisse tenter d'en planter lors du prochain hivernage.  

Par chance, j'ai rencontré à Bamako un couple italo-Britanico-indien qui prenait le train avec moi. Je dois dire que ça faisait du bien de me retrouver un peu en compagnie de toubab, car les africains ont beaux être super sympa et accueillant, la barrière culturelle fait qu'il est difficile (pour moi) d'établir un dialogue direct et naturel, alors qu'avec les occidentaux, cela se fait en un clin
d'oeil. Ici, en plus, on était tous les trois sur la même longueur d'onde sur beaucoup de points, c'était vraiment chouette.

Il m'est arrivé dans un mail que j'ai envoyé d'Italie il y a un peu plus d'un an, de railler la ponctualité des trains italiens plus ou moins en ces termes: "Les trains italiens sont vraiment ponctuels, car lorsqu'on vous dit que le train aura une demi-heure de retard, il arrive trente minutes plus tard, et pas une de plus!"  

Ici, le train était censé partir à 19 heures. Je crois que c'est en fait vers 22 heures que nous avons quitté la gare. Révision de la motrice, ou un truc du genre. Mais ce n'est pas encore là l'intérêt de l'histoire. Figurez-vous que le train à tout simplement déraillé. Heureusement, c'était un déraillement minime; le conducteur sachant le pont dangereux, on ne devait pas aller à plus de 5 Km/h, et les roues
avant d'une voiture sont sorties des rails. Le train s'est arrêt sans le moindre choc (chose incroyable, étant donné que chaque départ et les arrêts sont accompagnés de secousses brutales au point que je me demande parfois si le conducteur n'est pas en train d'en profiter pour battre du beurre!).

Mais bon, on avait roulé 6 heures, la machine (un genre de grue, je suppose) devait venir de Bamako pour nous dégager. S'est donc engagé une longue attente qui au finish durera 2 jours entiers! Pourquoi, j'en sais trop rien. Dans tout ce remous, nous étions informés par le bouche à oreille, quand nous étions informés (en effet, le déraillement s'est produit à 15 Km de Oualia, et une voiture est venue chercher ceux qui devait aller à Oualia. Comme on ne me l'a pas dit, je n'ai pas pu en profiter. Mais je ne le regrette pas, j'étais pas pressé, et je me suis bien amusé).

Le premier jour, avec Sevin, l'italienne, on remarquait, assez admiratifs, le comportements des africains. Chez nous, après 20 minutes, les gens auraient commencé à menacer de porter plainte, à demander un remboursement, voir des indemnités, à pleurer pour leur rendez-vous en retard. Ici, la plupart des gens faisait contre mauvaise fortune bon coeur. Venu d'un village proche, des femmes sont arrivées et ont commencé à cuisiner (il ne s'agissait pas, hélas, de générosité, tout était payant), les gens se sont mis à discuter autour de feux, etc... C'était vraiment une ambiance bonne enfant. Le soir, on réintègre nos wagons, qui, tenant de l'exponentiel, n'en change donc de forme (ça, c'est une blague juste pour les math-physiques),  et on fait dodo.

C'est le lendemain matin, lorsqu'on nous a annoncé qu'il fallait attendre une journée de plus, que les choses ont chauffé. Là, les nerfs ont craqué, et une immense discussion plus que houleuse s'est engagée entre le personnel du train et beaucoup beaucoup de gens pas contents.  Et sur ce coup-là, je me suis dit après coup que ça aurait été plus calme chez nous. ils étaient tellement en colère qu'ils ont menacé de renverser, brûler, saccager les wagons, (ndrl : anciennes voitures à compartiments de la SNCF) et il a fallut que la compagnie promette de retourner en arrière, à la dernière gare importante, et de donner 2000 Fr. (ndrl : 3€) à chacun pour manger, pour que les esprits se calment. Mais il faut reconnaître que ceux qui n'avaient pas d'argent avec eux et qui donc n'avaient pu ni manger ni boire la veille avaient des raisons de se mettre en colère.

Enfin, pour finir, après une deuxième nuit dans le train, nous nous sommes remis en route, et je suis arrivé à Dioubéba sans trop de difficulté.  J'y ai passé une semaine, où je n'ai pas fait grand chose. Mon corps m'a fait sentir qu'il y avait beaucoup de temps depuis la dernière fois que je m'étais reposé (c'était à Dakar, il y a un mois), et j'en ai donc profiter pour lire les livres que j'avais laissé à Cissoko. Je me dois d'ailleurs à ce propos de faire une rectification. Dans un mail, j'avais dit qu'Ibn 'Arabi (l'auteur des livre en question) était le deuxième soufi chronologiquement après le Prophète Mohamed, mais en fait, il est le deuxième en importance. J'ai beaucoup approfondi ma connaissance de l'Islam ésotérique; c'est assez sympa, pas mal de connections et de parallélismes avec le Bouddhisme ou le gnosticisme chrétien. Mais bon, c'est quand même pas pour moi.

Enfin, une dernière remarque pour vous dire que le train qui m'a emmené de Dioubéba à Kayes n'avait lui que 8 heures de retard. Mais bon, c'est juste une manière occidentale de commenter la chose car ici, on dit "le train passera tel jour, après telle heure."

Sur ce, je vous laisse, A je ne sais pas quand, de je ne sais pas où.

Benjamin
Mi-février 2006

Pour vous abonner ou vous désabonner :
http://benjamino.agora.eu.org/mail.php


NDRL : Le trajet de la seule ligne française DAKAR (Sénégal) - BAMALKO (Mali) fait 760 kilomètres. Elle est parcourue par des Express en 18 heures et par des omnibus en... 18 heures. Le matériel est d'origine française. Son état est pitoyable. Les points de déraillements sont aisément repérables : des carcasses de wagons et voitures sont abandonnés sur les bas-côtés de la voie.

Benjamin est né le 30 mars 1982 à Liège. Dans la souffrance, luttant avec sa maman pendant 20 heures contre un cordon qui l'étranglait. Bien qu'une main experte ait sectionné le lien alors qu'il n'avait pas encore entamé sa longue respiration aérienne, il a constamment recherché de nouvelles cordes - il est vrai qu'il fera à l'objet d'une tentative d'étranglement à main nu de la part d'un des concubins de sa mère à l'âge de 15 ans. Sa pentecôte néo-natale l'a empêché de prendre conscience des muses et des fées qui ont richement doté son berceau. Béni des dieux, chéri par les siens et beau gosse par surcroît, il devient un mathématicien hors paires, dessinateur de talent et écrivain remarqué de nouvelles en français et en anglais. Il vient d'éditer un recueil de poèmes.

Benjamin a préféré un voyage initiatique en Afrique (après avoir visité les années précédentes la Maurtianie, l'Iran et le Népal) et s'installer un an au moins dans le plus pauvre village possible du désert mauritanien à un doctorat en croissance économique sur le Tchad parce que ce dernier devait se faire au sein de l'ONU à New York.

Son site reprend tout les textes expédiés à ses proches et amis durant son dernier séjour en Afrique. De retour en Belgique, il m'a proposé ce récit lors d'une discussion sur certaines réactions du forum, qui m'avaient conseillé d'acheter une voiture si je n'étais pas content des 150 heures de temps inutiles en 2006 sur les 161-162.
Cordialement,  Bernard,

Lu sur le forum LR : Ha, non, dernière alternative si tu veux du 100% conforme : tu attends les futures sorties LSM, qui seront parfaites, vu ce que LSM a déjà produit.
Si tu es très jeune et que tu as la vie devant toi, c'est jouable...  " Je ne l'ai plus.

stefan Appelmans

#1
Oh zut, Bernard, en lisant cela, je croyais que c'était toi qui faisait ce beau voyage...Je t'aurais demandé de me prendre avec comme conseiller technique ou même comme tchi-tchi boy, la prochaine fois!
stefan

Aviseur

#2
Ok toubab !

Je te rappelle seulement que la Mauritanie est le dernier pays a avoir interdit l'esclavage (en 1984 !). Il en reste quelques traces...

Cordialement,
Cordialement,  Bernard,

Lu sur le forum LR : Ha, non, dernière alternative si tu veux du 100% conforme : tu attends les futures sorties LSM, qui seront parfaites, vu ce que LSM a déjà produit.
Si tu es très jeune et que tu as la vie devant toi, c'est jouable...  " Je ne l'ai plus.