J'ai trouvé un peu de temps pour la fabrication de l'aiguillage. Allons-y !

Première opération : poser quelques traverses en époxy cuivré aux endroits adéquats. Par la suite, s'il en manque l'une ou l'autre, on pourra toujours la ou les ajouter.
Comme je l'ai déjà dit, toutes les traverses peuvent être en époxy cuivré à la mode anglaise. Je le fais parfois, mais ici, j'utiliserai une composition mixte traverses en époxy et traverses en bois, celles-ci n'étant insérées sous l'aiguillage qu'au moment de la pose de celui-ci sur le réseau.
Un petit mot sur l'utilisation de traverses en époxy cuivré. Par rapport aux traverses en bois dans lesquelles on enfonce des crampons pour maintenir le rail en place (méthode américaine), les traverses en époxy cuivré ont le grand avantage de permettre un ajustement très précis du rail à presque tous les stades de la fabrication.
Seconde opération : préparer les deux coupons de rails extérieurs.
Précision : l'aiguillage que je fabrique s'inspire des aiguillages SNCB avec moteur électrique. Il comporte donc 2 traverses longues encadrant une traverse courte. Ces traverses nous permettront d'installer plus tard une petite reproduction d'un moteur électrique.

Photo prise par un membre (leclisse, je crois) et montrée sur un fil traitant des moteurs électriques.
Dans le cas où on voudrait reproduire une commande d'aiguillage manuelle avec levier à contrepoids, on a le choix entre deux traverses longues ou une seule, c'est selon le cas.

Sur les deux coupons, il faut limer les patins intérieurs sur une distance qui correspond à la longueur du contact entre rail extérieur et lame d'aiguillage avec un léger surplus. En effet, les patins empêcheraient un ajustement correct des deux lames.
Le coupon de rail du dessus est précintré selon le patron d'aiguillage.

Sur le rail extérieur courbe, je crée personnellement une très légère cassure à l'endroit marqué d'un trait là où débute la courbure. Comme sur certains aiguillages du commerce, on peut aussi créer une légère entaille dans le champignon du rail pour que la lame d'aiguillage s'y encastre.

Ici commence le travail de soudure des rails sur le cuivre des traverses. Le premier rail doit être le rail droit extérieur. Il faut impérativement se servir d'une latte métallique pour aligner le rail sur le dessin car c'est de ce premier ajustement que dépendra la précision dont il faudra faire preuve dans la suite des opérations.
Je donne déjà un bon conseil. Utilisez une panne de fer à souder ni trop grosse, ni trop fine et évitez de faire des grosses "maclottes" de soudure. Ca ne sert à rien et les gros paquets de soudure sont disgracieux. Mon truc : j'enduis la traverse de graisse à souder avant l'opération de soudure de façon à ce que la soudure proprement dite s'étale bien.

On passe maintenant à la pose du rail extérieur courbe. Une fois le rail mis au bon écartement à l'aide d'un calibre (calibre cylindrique à gauche), on soude de loin en loin le rail sur quelques traverses en suivant le tracé du patron. Attention, ne pas souder sur toutes les traverses car ce rail est susceptible d'être réajusté par la suite !

Il s'agit maintenant de préparer le coupon de rail intérieur droit. Il comprend en fait la lame d'aiguillage et son prolongement jusqu'à la pointe de cœur. Elle doit être biseautée à l'intérieur sur une longueur suffisante correspondant au patin raboté du rail extérieur. Pour réaliser de travail, je me sers personnellement d'une meule lapidaire dans un premier temps, puis d'une petite disqueuse avec un bon disque abrasif et enfin d'une lime à grain fin agrémentée d'un peu d'huile de coude. Rien de tel qu'une finition manuelle.
Un petit mot sur les articulations. Du côté du cœur de croisement, je créais auparavant une charnière comme c'est le cas sur la plupart des aiguillages du commerce. L'expérience m'a appris que les charnières pouvaient à la longue perdre le contact électrique de sorte que la lame n'était plus conductrice de courant. Un petit brin de fil de 3/10e mm pontant la charnière solutionnait le problème en général. Depuis longtemps, j'ai décidé de supprimer les articulations, sauf sur TJD et TJS, et de créer des lames élastiques comme on les trouve sur les aiguillages Tillig. Il faut bien sûr utiliser un moteur électrique suffisamment puissant. Donc, ici, vous avez le choix entre lames à pivot et lames élastiques.
Maintenant, voyons du côté de la barrette de commande. Il existe plusieurs façons de fixer l'extrémité des lames mobiles sur celle-ci, soit par soudure, soit au moyen d'un pivot. La soudure sur la barrette crée une contrainte car on a affaire à un parallélogramme non déformable dans le cas de lames élastiques. Mais ça fonctionne plus ou moins bien avec des lames sur pivot du côté du cœur de croisement si les pivots ont un peu de jeu. Bref, ici aussi, chacun fait comme il veut.
L'aiguillage que je fabrique ici est équipé de 2 lames élastiques munies de pivots venant s'accrocher à la barrette de commande.

La lame élastique étant coupée à bonne longueur, on la soude sur quelques traverses et, une fois de plus, une règle métallique permet d'obtenir un alignement parfait. Il faut bien sûr éviter de se rapprocher trop de l'extrémité amincie afin de créer l'élasticité souhaitée. Je laisse donc la partie comprise entre les points A et B complètement libre, ce qui représente à peu près une dizaine de cm.

Voilà le résultat. Pour maintenir la lame en bonne place, je l'ai soudée temporairement sur une barrette en époxy cuivré (de plus faible épaisseur; d'où le carton).

Passons maintenant à la patte de lièvre. Pour créer aisément le pli, j'entaille un peu au préalable le patin du rail. L'extrémité droite de la patte de lièvre est biseautée (on peut aussi la plier comme sur les anciens aiguillages réels). Deux points de soudure suffisent pour l'instant à mettre en place cet élément. on y reviendra.

Au tour maintenant de la pointe de cœur. Il faut non seulement tailler en biseau une extrémité de chaque rail mais aussi éliminer le patin intérieur sur une petite longueur. Idéalement, il faudrait créer un petit gabarit donnant l'angle de déviation. Mais, "à l'œil", ça va aussi pourvu qu'on procède par petites étapes successives et en se basant sur le patron d'aiguillage et, ma foi, si on rate, on recommence avec un autre bout de rail.
Si cela intéresse certains, je peux donner quelques explications complémentaires sur la façon de calculer et créer un angle de déviation sur base de la tangente d'angle.

Personnellement, je préfère cette méthode pour créer une pointe de cœur.

On peut aussi procéder selon cette autre méthode. Vous faites comme vous voulez !

On procède maintenant à la pose d'un des rails de la pointe de cœur. Pour cela, je me sers d'un calibre amputé de l'une des ses 4 lèvres. La lèvre sunsistante d'une épaisseur de 1,2 mm (normes NEM) viendra se loger dans l'ornière de façon à la mettre à bonne largeur. On peut aussi utiliser une cale d'épaisseur.
A cet effet, j'ouvre une parenthèse concernant les calibres.

La colonne du centre montre des calibres non modifiés. Le cylindrique provient de chez Hobby-Ecke et les 2 du dessus sont proposées par Walthers. Celui du dessous est fait maison sur une fraiseuse professionnelle.
Pour ceux qui n'ont pas de calibre à leur disposition, je conseille d'en fabriquer un ou même plusieurs comme celui de droite à l'aide d'un bout de tôle laiton : facile à faire et peu coûteux.
La colonne de gauche montre des calibres amputés d'une ou même de deux lèvres. Ils sont surtout utiles lors de la création des cœurs de croisement.
Ceci dit, à défaut de calibres, on peut quand même se débrouiller au moyen d'un pied à coulisse et de bouts de plasticarte d'épaisseur 1,1 et 1,2 mm pour calibrer les ornières selon les normes NEM.

Les deux calibres et la latte permettent d'aligner "au poil" le premier rail formant la pointe de cœur. En même temps, en réchauffant la soudure, on peut rectifier la position de la patte de lièvre en calant celle-ci contre la lèvre du calibre et aussi celle du rail extérieur.
Vous aurez remarqué l'isolation électrique de la pointe de cœur là où j'ai positionné deux traverses côte à côte.

Au tour maintenant du second rail de la pointe de cœur. Si on regarde bien on voit un tout petit décalage dans l'alignement au niveau de la patte de lièvre. Ce n'est pas grave mais je vais quand même y remédier en modifiant légèrement le pli.
A ce stade, les diverses parties formant la branche rectiligne de l'aiguillage sont en place. Il reste maintenant à terminer la partie courbe.
Bon, la suite peut-être ce soir.