Eléments de marketing appliqués au modélisme ferroviaire.
Comme je l’avais proposé et comme je m’y étais engagé, voici quelques réflexions et hypothèses concernant le marketing de nos chères ainsi que coûteuses – et tant critiquées - sociétés fabricantes de modèles réduits ferroviaires et de composants annexes.
Les différents déboires de plusieurs sociétés au cours de ces dernières années (LILUIPUT, JOUEF, LIMA, RIVAROSSI, enfin ROCO sans parler de l’état de Saschenmodell) justifient la pertinence de ces propos et en permettront certaines illustrations.
Je propose de suivre le schéma suivant :
1. Préliminaires
2. Définitions
3. Méthodologie
4. Plan marketing
5. Technique de vente
6. Attitude des acheteurs
Je souhaiterais aussi que chacun se garde de généralisation abusive : un exemple ne vaut pas pour tous les cas ; il me paraît aussi bien utile de distinguer les hypothèses des certitudes. L’hypothèse est à vérifier, on le sait, la certitude aussi, on ne le connaît jamais assez.
Je procéderai par étape, pour qu’il y ait un consensus entre nous sur chaque point théorique (je suppose que les exemples seront sujets de débats sinon d’anathèmes). Cela permettra également que tout puisse être précisé, contesté ou rectifié avant de continuer d’avancer dans l’approche et les hypothèses.
Dans ces matières, nous en sommes tous au même point : d’infâmes consommateurs. Il n’y a aucune déchéance morale dans le fait d’être « manipulés » ou de ne pas savoir, me semble-t-il. L’intelligence, n’est-ce pas avoir l’humilité de poser des questions ?
1. Préliminaire
Bien des personnes oublient que les sociétés commerciales ont comme obligation de faire de l’argent. Elles ne sont pas là pour satisfaire « naturellement » ou par essence nos envies. Le gérant d’une sprl ou l’administrateur délégué d’une société qui négligerait cette obligation commettrait une faute lourde, pénalement répréhensible. En ce sens, les critiques faites à l’égard de la sprl importatrice de Roco par certains amis sont incorrectes. Que l’on doute de la pertinence des décisions stratégiques est une chose, que l’on reproche à une société de poursuivre son objet social est à tout le moins injuste sinon absurde.
Peut-être ne faut-il pas aussi négliger le fait que la plupart des sociétés ne sont pas fixées seulement sur un prix mais bien sur une marge (un taux entre le prix de vente et le prix de revient), qui est le facteur de motivation décisif pour les investisseurs et quelques banquiers ?
Prenons l’exemple simple d’une personne (physique ou morale) souhaitant rentabiliser une somme d’argent de 100 unités. Elle a le choix entre trois grandes catégories de solutions : le placer dans des banques ou des fonds de placement là où un certain intérêt devrait lui être garanti ou alors l’investir au mieux dans une société, à ses risques et périls. L’intéressement est alors proportionnel au risque. Elle peut enfin le prêter, en faire don à ses enfants ou à des œuvres caritatives.
2. Vers une définition de la « science » marketing.
Si l’on considère que l’économie politique est la science qui étudie la manière dont des ressources limitées – en temps, en force (intelligence, homme, machine, énergie, …) ou en capital investi - sont affectées à des besoins illimités – on n’en a jamais assez – par des personnes morales ou physiques – état, société / organisation:/ association - ou individus, le marketing est le recueil des techniques qui permettent à cette société commerciale, cette organisation ou cette personne d’affecter de la manière la plus pertinente ou la plus opportune ses ressources disponibles en fonction de leurs objectifs, c’est-à-dire principalement, et respectivement, de vendre, de faire des voix ou de faire adhérer.
La gestion de l’espace permet de bien comprendre le problème des ressources. Nous avons tous envie d’avoir un réseau avec une belle ligne de parade, une gare de passage, une ligne secondaire, un raccordement industriel et un dépôt, sinon une gare marchandise. Cela, bien sûr avec des courbes paraboliques de grands rayons. Ce sont-là des besoins illimités. Or, nos ressources en espace sont ce qu’elles sont : en échange d’une cuisine équipée, au mieux une pièce dans la cave ou au grenier, sinon un coin. Il nous faudra bien gérer l’espace disponible : c’est-à-dire faire des choix, éprouver des deuils et faire preuve de créativité. Pour gérer l’espace, les modélistes ont trouvé des astuces : gares fantômes, modules (Fremo), dioramas ou ligne secondaire… Même les clubs ont ce problème…
Le marketing est donc l’art (les techniques maîtrisées) d’adapter au mieux une offre rentable à la demande illimitée dans ses envies mais non dans ses moyens. Et réciproquement. Bref, de vendre le plus vite possible le plus cher possible la totalité de qui peut être produit (ou acheté pour être revendu), réciproquement ; également, de fixer les quantités produites (achetées) en fonction d’un prix déterminé pour que tout soit vendu le plus vite possible le plus cher possible.
Prenons un nouvel exemple : culturellement nous mangeons du poisson le vendredi ou de la dinde à Noël. Il vaut mieux produire la dinde pour cette période et amener le poisson en rayon le bon jour. De même, rien ne servirait de proposer une boite de départ spécial Noël en février.
Encore un autre exemple: les grandes surfaces ont tout intérêt à vendre dans les 8 jours un produit (une trottinette électrique à l’époque de la Saint Nicolas, par exemple) qu’elles paieront au fournisseur 3 mois plus tard. Le produit de la vente leur rapportera deux fois : par le paiement cash qui financera l'achat puis par le volant financier bancaire de trois mois. Plus une troisième fois en corollaire : en libérant la place dans les structures (les rayons) pour une nouvelle opération. Quelle quantité de ces trotinettes pourra donc être vendue en une semaine ? Vendre trop peu ou garder des « rossignols », c’est perdre de l’argent. Trois fois ausso.
Le tout en respectant les lois en vigueur comme « les lois économiques ».
A ce sujet, on notera qu’il existe deux genres de sociétés :
Les sociétés qui produisent : fabricant ou sous-traitant, comme ROCO
Les sociétés qui font fabriquer ou achètent puis revendent : comme certains « distributeurs ».
Elles peuvent encore se subdiviser en deux types de sociétés :
Les sociétés qui souhaitent se maintenir : elles doivent donc tenir compte à la fois d’un « amortissement », épargne nécessaire afin d’avoir les moyens de remplacer à terme les ressources consommées ou abîmées, et d’anticiper un développement, soit technique (R & D) soit économique : s’adapter à l’évolution de la demande (dont les effets de mode).
Les sociétés « one shot » : qui réalisent une opération, « un coup », encaissent le profit et puis disparaissent.
Elles peuvent se combiner entre elles :
Un fabricant peut fabriquer une série spéciale (one shot).
Une société peut se développer en multipliant les one shot.
De quoi dépend alors le marketing ?
Il dépend d’abord des ressources internes de la société :
- Ses moyens financiers
- Son outillage
- Ses relations/partenaires
- Son personnel
- Sa force de vente
Il dépend ensuite de l’étude du marché.
Il dépend encore de sa logistique.
Il dépend enfin de la qualité de sa communication.
Plus la société est petite, plus les ressources devront être polyvalentes.
Moins la société est capitalisée, mieux elle devra ventiler ses ressources, selon une balance entre d’un coté ses moyens (argent : capital, emprunts, primes, recettes,…, force (hommes, machines, énergie, …) et temps, de l’autre côté ses besoins (fixes – salaires, location, remboursement, frais généraux – variables – achats, recherche et développement, promotion (nécessité de faire connaître), investissement,…).
3. Il s’agit alors de faire des choix, à bon escient.
Mais comment ?
C’est le rôle et la fonction d’un conseil d’administration ou d’un comité de direction. C’est là l’art du gérant ou du manager. C’est aussi une question de chance. Bien des spécialistes ou de grandes sociétés de consultance (entre autres Boston Consulting Group) se proposent de faire le travail pour la société. Mais il demeure néanmoins une part aléatoire ou de chance… qu’il convient de reconduire au minimum.
Dans un premier temps, la société devrait recenser ses forces et ses faiblesses.
Dans un deuxième temps, elle devra prendre conscience des opportunités et des menaces qui la concerne.
Par exemple, pour ROCO – au début de son existence, suite à la fin de ROWA -, on peut émettre l’hypothèse que l’héritage des moules de Rowa est un atout, la sous-traitance de produits américains ainsi que l’octroi de prime à l’exportation par le gouvernement autrichien des opportunités, la production pour du continu et le lancement d’une nouvelle marque des menaces, le caractère de ses dirigeants et le manque de fonds propre des faiblesses.
Au jeu des hypothèses, et en taisant les questions gênantes, on pourrait supposer ou interroger, par marque :
Märklin :
Atouts : image de marque, fiabilité, clientèle fidèle, qualité de roulement, système de voie éprouvé, …
Opportunités : plusieurs échelles, Trix, Delta, valeurs spéculatives, …
Menaces : digital pluriel, manque de rigueur, marketing de type Proter & Gamble, …
Faiblesses : coûts de structure, perception des marchés, plusieurs échecs commerciaux, …
Fleischmann :
Atouts : qualité des produits, produits finis, structure humaine, modestie,…
Opportunités : Piccolo, distribution, qualité du numérique, adaptation aux marchés, …
Menaces : absence d’une gamme grand public,
Faiblesse : système de voie dépassé, voitures voyageurs modernes raccourcies,...
Piko :
Atouts : gestion de grande qualité, implication dans l’ancien marché DDR, …
Opportunités : système de voie intelligent, diversification, gamme bon marché, numérique haut de gamme, …
Menaces : trop grande prudence, coexistence de produits de qualité différentes, …
Faiblesses : manque de fonds propres, production trop orientée Allemagne, …
Une pareille démarche devrait être menée service par service.
En réfléchissant sur cette analyse, plusieurs points apparaissent :
Le secteur n’est pas encore entièrement restructuré.
- Il y a peu d’entente intelligente entre les constructeurs. Par exemple, la sortie sur le marché de trois systèmes de voies modèles (ROCO 83, Tillig Elite, Lima/Rivarossi, …) est absurde. Seul Elite a pu se démarquer : voies originales à 3 files de rail, vente aux et par les clubs. D’autre part, en refusant d’avouer franchement la supériorité du programme LIMA/RIVAROSSI sur l’annonceur important ROCO, les revues spécialisées n’ont rendu service à personne.
PIKO a une nouvelle fois admirablement bien manœuvré en mettant au point et livrant sur le marché une excellente voie en code 100, praticable par les machines HO de toute époque, de belle apparence et bien conçue (par exemple le dernier aiguillage symétrique). 4
Ne parlons pas des attelages ou du numérique …
- L’Allemagne était le poumon des fabricants.
Ainsi, les fabricants se sont souvent positionnés par rapport à la RFA : Märklin présente la HLD 204 comme étant visible en Allemagne, Fleischmann insiste sur le fait que sa diesel anglaise est conçue sur base des plans de la V 200 allemande, … même un ami du forum insiste : une HLE 18 roulait en Allemagne…
- Les fabricants se copient entre eux.
Si vous ne souhaitez pas compter les nombreuses éditions de la locomotive diesel V 160 de la DB en HO, je vous invite à faire l!inventaire des gros nez...
Est-ce que cela veut dire que chacun pense que le concurrent a une meilleure connaissance du marché que soi ?
(à suivre)